Ce n’est pas un hasard si la péninsule arabique, carrefour spirituel de l’humanité, se trouve être la région d’origine de l’encens. Son usage y est attesté quelque 3 000 ans avant notre ère. Dans l’Égypte voisine, il était employé pour les rites d’embaumement des défunts. Le corps, éviscéré, était garni d’encens afin de retarder sa décomposition et d’en prévenir l’odeur. Autour de 1800 avant notre ère, une route de l’encens reliait les rives de la Méditerranée, où les Romains en étaient friands, aux confins de l’Inde.
D’une plus grande valeur marchande que l’or, l’encens fut le plus important commerce du monde antique et médiéval. Il fit la prospérité des royaumes sudarabiques où la denrée, précieuse ailleurs, devint un bien populaire au fil des siècles. Dans les actuels pays du Golfe et la corne de l’Afrique, on l’utilise encore quotidiennement pour se parfumer. Il entre dans la composition de dentifrices naturels et fait office de répulsif anti-moustiques.
Oman, un réservoir naturel
Le sultanat d’Oman, point de départ des négoces antiques, reste aujourd’hui le premier consommateur, producteur et exportateur d’encens à travers le monde, avec plus de 2 000 tonnes vendues par an. Le pays est réputé pour produire une résine blanche en grains d’une grande pureté : hujari. La réserve naturelle du Dhofar, à la frontière yéménite, a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle abrite les fameux arbres à encens, ou Boswellia sacra, une espèce d’arbuste d’environ 5 mètres.
Il existe plusieurs variétés sous ces latitudes : le
Boswellia carterii
en Somalie et au Yémen donne une résine de très bonne qualité. Le
Boswellia serrata
en Inde est moins parfumé. Deux fois par an, à l’automne et au printemps, on incise l’écorce pour laisser s’écouler la sève qui, durcie au contact de l’air, sera récoltée trois semaines plus tard. La liqueur semblable au lait devient une gomme, également appelée « oliban ».
Boswellia : un anti-inflammatoire naturel puissant
Traditionnellement utilisé en fumigations, il apaise les nausées, les indigestions, l’hypertension ou la toux. La médecine ayurvédique le nomme Salai guggul et l’emploie aussi contre l’acné, les infections fongiques et les furoncles. Redécouvertes tardivement, les propriétés purifiantes de la résine de boswellia sont encore méconnues du grand public, car peu exploitées en pharmacie et herboristerie. C’est surtout dans l’industrie cosmétique qu’elle s’est fait un nom, pour ses effluves exotiques, et entre dans la composition de parfums, shampoings et savons.
Pourtant, depuis la fin des années 1990, des études mettent en évidence le pouvoir anti-inflammatoire du Boswellia serrata, originaire d’Inde. Les acides boswelliques agissent directement sur les molécules pro-inflammatoires, responsables de la douleur : les leucotriènes, causes également de dommages oxydatifs
Souplesse des articulations
Par une action inhibitrice ciblée, ces acides améliorent la circulation sanguine dans les vaisseaux et permettent un apport de sang dans les articulations et les tissus qui, mieux nourris et mieux drainés, contribuent à faire disparaître l’inflammation. En réduisant l’inflammation, l’extrait de boswellia réduit l’œdème, la douleur et la sensation de raideur matinale. Il redonne flexibilité et mobilité articulaire. Il est ainsi particulièrement efficace contre l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde.
Il permet la réduction significative des médicaments allopathiques et, dans un certain nombre de cas, il va jusqu’à les remplacer totalement.Cela est d’autant plus probant quand l’extrait de boswellia est pris régulièrement, en traitement de fond plutôt qu’en cas de crises. Associé au curcuma, un autre anti-inflammatoire naturel de la pharmacopée ayurvédique, il favorise la circulation et sera très efficace sur l’arthrite du genou.
Asthme : un traitement naturel prometteur
Les acides boswelliques étant antispasmodiques, des chercheurs ont eu l’idée d’étudier les propriétés du boswellia dans les pathologies respiratoires telles que l’asthme. Au cours d’un essai clinique mené par l’équipe du Dr Gupta de la faculté de médecine de Los Angeles, les chercheurs ont constaté une nette amélioration des symptômes chez les patients asthmatiques. Les trois quarts d’entre eux ont vu disparaître ce que l’on appelle « le ronchi », le râle caractéristique de la difficulté à respirer lors d’une crise. Le volume respiratoire s’est nettement amélioré, le nombre de crises s’est espacé dans le temps et leur intensité a diminué de façon significative. Après six semaines d’un traitement aux acides boswelliques, la rémission de l’asthme a été constatée pour 70 % des patients, dont aucun n’a reçu d’autre traitement médical.
Allié de l’appareil respiratoire, le boswellia pourra aussi représenter une solution dans les cas de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Cette maladie, causée surtout par le tabagisme, provoque une obstruction progressive et irréversible des voies aériennes et des poumons. Le boswellia diminue sensiblement ces troubles, en améliorant le niveau d’essoufflement et la gêne respiratoire, à condition de prendre des doses continues de six fois, 300 mg par jour.
Intestins soulagés
Au même titre que d’autres remèdes ayurvédiques, l’extrait de résine de Boswellia serrata a des effets positifs dans le traitement des inflammations chroniques de la muqueuse intestinale : syndrome du côlon irritable, maladie de Crohn, colite ulcéreuse… Des maladies qui pourraient même figurer en tête de liste de son champ d’action, tant il est efficace sur les systèmes digestifs lésés et enflammés, sans les effets secondaires de certains AINS (anti-inflammatoire non stéroïdien). En effet, sa prise, même prolongée, est sans toxicité, ce qui permet de préserver la muqueuse gastrique d’éventuels ulcères. Il est conseillé de faire une cure d’au moins 21 à 45 jours de boswellia avant d’y d’ajouter des prébiotiques ou des probiotiques. Dans le cas d’intestins irritables, vous pourrez avantageusement combiner la phytothérapie à l’aromathérapie dans le cadre d’une approche globale de l’écosystème intestinal.
Citons également une découverte encourageante du côté de l’hypertrophie bénigne de la prostate et des prostatites, auxquelles le boswellia s’attaque de manière efficace.
Notons enfin les bienfaits du Boswellia carterii, sa cousine de Somalie, elle aussi très utile pour apaiser les inflammations chroniques grâce à sa concentration en sesquiterpènes, qui agissent comme des boucliers protecteurs. En usage externe, son huile essentielle s’utilisera diluée dans une huile végétale, en massage de l’articulation douloureuse. En combinaison avec l’huile végétale de calophylle, elle agira également sur la douleur du zona.
Recommandation : l‘extrait de résine de boswellia se présente sous la forme de gélules de 300 mg, à prendre deux à trois fois par jour avant les repas. Privilégier les comprimés composés au minimum de 70 % d’acides boswelliques. Compter deux à quatre semaines pour observer les premiers bienfaits.
La boswellia : un antidépresseur naturel ?
Le règne végétal offre une panoplie impressionnante de réponses naturelles à la dépression. Parmi les plantes les connues, citons le griffonia, le millepertuis, le safran ou la rhodiola. L’utilité de la boswellia, de ce point de vue, est pour l’instant moins connue.
Pourtant, en 2008, une étude menée par une équipe internationale de scientifiques a pu établir un lien entre la résine d’encens et le traitement de la dépression. Ils ont constaté dans des études animales que l’acétate d’encens, un constituant chimique du boswellia, activait les canaux ioniques du cerveau, c’est-à-dire les neurotransmetteurs responsables des échanges nerveux. La résine aurait ainsi une action significative sur les zones cérébrales impliquées dans la régulation de l’humeur, sur lesquelles agissent habituellement les anxiolytiques et les antidépresseurs.
Un éclairage encore récent et qui reste à explorer, mais qui donne une autre dimension à l’encens, dont l’usage a persisté à travers les époques et les cultures, non sans raison. Dans les traditions spirituelles, plus qu’un accessoire esthétique, l’encensement aide à accéder à d’autres niveaux de conscience. L’élévation des volutes de fumée symbolise les prières montant vers le ciel. Elles représentent un lien entre la matière terrestre et les plans subtils, rappelant la non-réalité de tous les phénomènes. Propice à l’abandon du mental et à la transcendance, ce qui est brûlé est transformé.
On retrouve la valeur universelle de la fumée comme connexion au divin dans les plus anciennes civilisations. Des Mayas aux bouddhistes, l’incandescence semble apaiser les feux de l’âme. Ironie de l’histoire : la solution à nos angoisses était peut-être là depuis toujours… sous notre nez.
Source: http://www.plantes-et-sante.fr