Les dénonciations d’initiations hypersexualisées, de harcèlement et d’agressions sexuels se multiplient dans les universités québécoises.
En 2014, une association étudiante de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) fait sensation en publiant sur Facebook les noms de trois professeurs, les dénonçant pour harcèlement sexuel envers des étudiantes. Au même moment, un collectif de chercheuses de six universités québécoises lance l’Enquête Sexualité Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU), dirigée par Manon Bergeron, professeure de sexologie à l’UQÀM. (Les établissements participants sont l’UQAM, l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université du Québec en Outaouais, l’Université de Sherbrooke, l’Université Laval et l’Université de Montréal.)
« Simple coïncidence », précise Mme Bergeron. Les activités d’initiations tenues à l’UQÀM en 2013, jugées sexistes et homophobes par plusieurs, ont été l’élément déclencheur de l’enquête, dit-t-elle. « Nous souhaitions documenter la violence sexuelle sur les campus avec des données probantes afin que le débat dépasse les anecdotes. »
Blâmer la victime
Au total, 9 284 étudiants et employés des six universités ont répondu au sondage. De ce nombre, 37 pour cent soutiennent avoir vécu une forme de violence sexuelle, allant du harcèlement à l’agression, commise par une personne affiliée à l’université depuis leur entrée dans l’établissement. Parmi toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire, environ 41 pour cent des femmes et 26 pour cent des hommes ont dit avoir subi de la violence sexuelle. Quarante-neuf pour cent des membres des minorités sexuelles ont affirmé la même chose, tandis que ce taux grimpe à 56 pour cent chez les membres des minorités de genre.
Ce qui désole encore plus Geneviève Paquette, co-chercheuse du projet et professeure de psychoéducation à l’U de Sherbrooke, ce sont les réactions inadéquates des confidents. « Les victimes se font poser des questions sur ce qu’elles faisaient à cet endroit, leurs affirmations sont remises en doute, ou elles se font dire d’oublier ça », déplore-t-elle.
Des stratégies efficaces
Les chercheuses comptent se baser sur les faits pour formuler des recommandations aux directions d’université et aux différentes instances de ces établissements, notamment pour améliorer la prévention de la violence sexuelle et la réaction lorsque de fâcheux événements surviennent.
Elles souhaitent aussi intervenir auprès des gouvernements qui tendent à rejeter la responsabilité sur les administrations universitaires. « De tels comportements par les étudiants et employés universitaires soulignent un besoin d’éducation en amont, au primaire et au secondaire, estime Mme Paquette. Ce n’est pas normal d’avoir à enseigner le consentement sexuel à l’université. »
Le projet entre maintenant dans une phase de collecte de données qualitatives. « Nous souhaitons mener des entrevues auprès de victimes, afin de comprendre leurs trajectoires, savoir si elles ont dénoncé ou pas ces actes et pourquoi, et si elles ont été bien accompagnées, afin d’affiner encore plus nos recommandations et d’élaborer des stratégies de prévention et d’intervention efficaces », conclut Mme Bergeron.
La question prend actuellement de l’importance auprès du gouvernement du Québec. En effet, le 20 octobre dernier la ministre de l’Enseignement supérieur Hélène David a annoncé que la province allait tenir des consultations sur la violence sexuelle sur les campus, une annonce qui faisait suite au dépôt de plus d’une douzaine de plaintes pour agressions sexuelles commises dans les résidences de l’Université Laval.