Les étudiants d’hier étaient-ils mieux formés, à diplôme égal, que les étudiants d’aujourd’hui ? Fabrice Murat, chercheur au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, résume les enseignements de l’étude qu’il a menée avec son collègue de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), Thierry Rocher, « L’évolution des compétences des adultes : effet “génération” et “effet cycle de vie” », parue dans le dernier numéro de la revue de l’Insee Economie et statistiques.
Votre étude montre que les personnes âgées de 45 ans et plus perdent leurs compétences. Mais aussi « qu’à âge et diplôme fixés, ce sont les générations les plus anciennes qui ont les meilleures performances ». Faut-il en déduire que le niveau des diplômes baisse ?
Pas totalement. Ceux qui font des études supérieures en France sont en effet globalement un peu moins bons qu’il y a une trentaine d’années. Mais ils sont aussi beaucoup plus nombreux. Si l’on se restreint aux meilleurs, ceux qui auraient de toute façon fait des études supérieures, le niveau est à peu près équivalent. Et les autres, moins bons que les premiers, sont tout de même plus compétents que si on ne leur avait pas donné la possibilité de prolonger leurs études… Sur l’ensemble de la population, l’allongement de la durée de la scolarité a donc permis une élévation du niveau des connaissances.
Il faut aussi savoir que la comparaison entre individus de différentes générations en fonction du plus haut diplôme obtenu comporte un biais pour évaluer le niveau de diplôme : dans les années 1950 et 1960, arrêter ses études juste avec un bac général était assez fréquent, en particulier du fait du plein-emploi, alors que c’est très rare aujourd’hui. Cela concerne donc des jeunes très particuliers. Pour évaluer le niveau du bac, il nous faudra refaire l’étude sur l’ensemble des bacheliers, sans séparer ceux qui poursuivent leurs études ensuite de ceux qui s’arrêtent une fois le bac obtenu.
Qu’est-ce qui joue le plus finalement ?
Notre étude montre que l’effet de l’âge – le cycle de vie – est plus fort sur les compétences que l’effet de génération, et qu’il est un peu plus fort en lecture qu’en calcul. Il est aussi plus fort pour les compétences complexes : quand vous savez lire un texte simple à 25 ans, vous savez toujours le lire à 55 ans ; en revanche, votre capacité d’analyse des textes complexes peut décroître de façon assez nette. L’effet « génération » [avec une massification de l’enseignement supérieur qui joue sur le niveau global], sans être négligeable, est plus faible.
Ces conclusions ne sont pas surprenantes : on les retrouve toutes les deux dans les pays étrangers ayant suivi une trajectoire comparable dans l’accès de la population à l’enseignement supérieur.
Voyez-vous un lien entre votre étude et les résultats de l’enquête PISA ?
L’enquête PISA montre un très fort lien, en France, entre le milieu social et la réussite scolaire. Elle permet de constater que ce problème s’est aggravé depuis sa première édition, en 2000. Notre étude permet de remonter auparavant et elle montre que ce déterminisme social a commencé à augmenter pour les personnes nées dans les années 1980, alors qu’il était stable au cours des deux décennies précédentes. L’aggravation de l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire a donc commencé à se manifester plus tôt qu’on ne le pensait en France.
Source :www.lemonde.fr/