Dans la Maladie de Parkinson, les agrégats provoquent la mort de certains neurones, ce qui explique les symptômes moteurs : tremblements, rigidité des muscles, lenteur des mouvements. Aucun traitement, qui empêcherait la mort neuronale ou l’agrégation de la protéine pathologique, n’existe à ce jour, même si plusieurs pistes sont envisagées. Rita Raisman-Vozari, Julia Sepulveda-Diaz et leurs collègues, de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (ICM) à Paris, viennent de montrer qu’un antibiotique classique utilisé depuis plus d’un demi-siècle pourrait éviter la mort des neurones, en modifiant l’agrégation de l’alpha-synucléine.
L’alpha-synucléine est une protéine présente dans toutes les cellules, mais dont la fonction « normale » reste méconnue. En revanche, pour des raisons également inconnues, dans certaines conditions, elle se modifie et s’agrège pour former des « oligomères » (des associations de plusieurs protéines), puis des « fibrilles » (des enchevêtrements de plusieurs oligomères). Les fibrilles provoquent alors une activation du système immunitaire et la libération de facteurs inflammatoires, qui perturbent l’activité des mitochondries (les centrales énergétiques des cellules). Des molécules oxydées toxiques apparaissent alors –ce que l’on nomme le stress oxydatif– qui, à leur tour, amplifient le phénomène d’agrégation tout en abîmant la membrane des cellules. Tous ces facteurs contribuent à la mort des neurones.
Les chercheurs tentent donc d’agir à différents niveaux de ce processus : bloquer l’inflammation, empêcher l’agrégation de l’alpha-synucléine, limiter le stress oxydatif, rétablir l’activité des mitochondries. Mais la plupart des molécules efficaces in vitro ne protègent pas les neurones in vivo, chez l’animal ou même chez l’homme. Sauf une, la Doxycycline, un antibiotique de la famille des tétracyclines, qui tue les bactéries, mais qui a aussi un effet protecteur chez les animaux développant une maladie de Parkinson.
Comment agit cet antibiotique ? Des études antérieures ont montré que la Doxycycline a des propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes, qui ne sont toutefois pas suffisantes pour expliquer la protection neuronale. Les chercheurs de l’ICM ont donc supposé qu’elle avait une autre cible. En faisant incuber de la Dioxycycline avec des protéines d’alpha-synucléine et en utilisant des techniques d’observation moléculaire comme la microscopie électronique à transmission et la spectroscopie par résonance magnétique, ils ont constaté que les « oligomères » ne se transformaient jamais en « fibrilles » et que l’antibiotique se liait à des sites spécifiques des « oligomères » et bloquait ainsi leur agrégation : ils adoptent une structure dite en feuillet bêta, différente de celle formée sans antibiotique et incapable de s’agréger en fibrilles. Puis, en plaçant des cellules en contact d’alpha-synucléine et de Doxycycline, les chercheurs ont montré qu’elles ne mourraient plus, leur membrane n’étant pas détruite.
Ainsi, la Doxycycline remodèle les oligomères d’alpha-synucléines en une forme non toxique. Mais elle ne se fixe pas sur les monomères (les protéines non associées) qui ont probablement des fonctions importantes dans les conditions normales. La Doxycycline traverse la barrière protégeant le cerveau et a également des actions anti-inflammatoires et anti-oxydantes. Et ce dès une concentration de 20 à 40 milligrammes par jour, bien inférieure à celle ayant un effet antibiotique. Il est donc envisageable de l’administrer chez l’homme. Un essai clinique sera prochainement lancé pour évaluer son efficacité chez les patients atteint d’une synucléinopatie.
Article de Bénédicte Salthun-Lassale dans Cerveau & Psychologie
lu par Françoise Vignon
Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°69