L’intelligence humaine peut-elle vraiment être prédite et sélectionnée à partir de l’ADN ? Cette question, qui semble appartenir au domaine de la science-fiction, prend aujourd’hui une tournure inquiétante grâce à la start-up Heliospect Genomics. Basée aux États-Unis, cette entreprise propose un service innovant et controversé : permettre aux couples fortunés de sélectionner les embryons de leurs futurs enfants, en fonction de critères génétiques tels que l’intelligence, la taille, le sexe ou même la résistance à certaines maladies. Ce service est basé sur des tests génétiques coûteux, pouvant atteindre 50 000 dollars pour un panel de 100 embryons, et est déjà disponible pour les personnes ayant recours à la fécondation in vitro (FIV).
Les promesses d’une « génération optimisée »
Heliospect Genomics met en avant le potentiel de sa technologie pour créer une génération plus intelligente et en meilleure santé. L’entreprise s’appuie sur l’analyse des scores polygéniques, une méthode qui calcule la probabilité qu’un embryon hérite de traits particuliers basés sur les données génétiques de grandes populations, comme celles contenues dans la UK Biobank. Selon la start-up, cette technologie pourrait transformer le futur de la médecine et améliorer considérablement la qualité de vie en éliminant les risques de maladies génétiques et en « optimisant » des traits intellectuels et physiques dès la naissance.
Cependant, cette vision utopique soulève des préoccupations majeures. L’idée même d’utiliser l’intelligence comme critère de sélection génétique repose sur des hypothèses scientifiques floues et a du mal à convaincre certains chercheurs. L’intelligence est un trait complexe, influencé par de nombreux facteurs, allant de l’environnement aux influences sociales et culturelles. Selon les experts, prétendre pouvoir prédire ce trait en fonction d’un simple test génétique reste hautement incertain.
La crainte du retour de l’eugénisme
La controverse ne réside pas uniquement dans la précision scientifique de ces prédictions, mais également dans les conséquences sociales et éthiques. La sélection génétique pourrait ouvrir la porte à des dérives eugénistes, où seules certaines caractéristiques « supérieures » seraient jugées souhaitables. L’égalité des chances pourrait alors être mise en péril, car seuls les individus capables de financer ce type de sélection génétique pourraient prétendre à une « amélioration » de leurs enfants, exacerbant ainsi les inégalités sociales.
Les bioéthiciens, comme le professeur Hank Greely de l’Université de Stanford, s’inquiètent également de l’éventualité d’une société où la diversité serait effacée au profit d’un idéal de perfection génétique. Ils soulignent que la frontière entre l’amélioration génétique et la création d’une élite génétique est mince et difficile à définir, surtout quand la manipulation génétique de l’humain commence à se normaliser.
Un avenir incertain : vers une réglementation stricte ?
La question de savoir si une telle technologie devrait être utilisée ou interdite se pose désormais de manière pressante. Actuellement, la législation sur la manipulation génétique varie largement d’un pays à l’autre, laissant place à une inégalité dans l’accès à ces technologies et à des pratiques non régulées. L’industrie pourrait, en effet, se tourner vers des juridictions plus permissives si des restrictions plus sévères sont mises en place dans certains pays.
Les régulateurs devront donc jongler avec un dilemme éthique et scientifique majeur. Si cette technologie peut, dans certains cas, être bénéfique en réduisant les risques de maladies génétiques graves, son potentiel à créer une hiérarchie génétique mérite une surveillance rigoureuse.
Une réflexion mondiale nécessaire
Alors que les progrès scientifiques en matière de génétique humaine offrent des promesses sans précédent pour la médecine de demain, la question de leur impact sur la société demeure cruciale. L’engagement du public dans le débat, ainsi qu’une éducation claire et accessible, seront essentiels pour garantir que les décisions sur l’utilisation de ces technologies soient prises de manière réfléchie et démocratique.
L’édition génétique et les technologies de manipulation des embryons peuvent offrir de nouvelles solutions pour prévenir les maladies, mais à quel prix ? Les défis éthiques et sociaux liés à ces innovations sont immenses, et la société doit s’interroger : comment allons-nous naviguer dans cette ère d’une génétique toujours plus précise, mais également plus divisée ?
Et vous, que pensez-vous de cette possibilité de choisir des traits génétiques chez les enfants ? Où devrait-on tracer la ligne entre amélioration et manipulation génétique ?