L’omniprésence des allergies alimentaires parmi les jeunes générations suscite une attention grandissante, avec une question centrale : existe-t-il un lien entre la diversification alimentaire retardée et le risque accru d’allergies ?
Une étude épidémiologique de grande envergure menée en France et portant sur les habitudes alimentaires de 6662 nourrissons et enfants apporte désormais des preuves substantielles de cette corrélation.
Au cœur de cette étude, des chercheurs ont révélé que seulement 62 % des enfants avaient entamé la diversification alimentaire pendant la plage temporelle recommandée, à savoir entre 4 et 6 mois. Ces résultats soulèvent des préoccupations importantes quant à l’impact potentiel de ce décalage sur le développement d’allergies plus tard dans la vie.
Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), environ 25 à 30 % de la population mondiale souffre d’allergies. Bien que des facteurs génétiques non modifiables jouent un rôle crucial dans la prédisposition aux allergies, d’autres facteurs tels que l’exposition au tabagisme actif ou passif ainsi que les choix alimentaires offrent des opportunités d’intervention pour réduire les risques de maladies allergiques.
L’étude épidémiologique menée conjointement par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) et le Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (CRESS) en France offre un éclairage nouveau sur ces enjeux. Publiée dans la revue «Allergy», cette étude démontre une association significative entre le retard de la diversification alimentaire et la probabilité de développer des allergies avant l’âge de 5 ans et demi.
Cette recherche repose sur les données de la cohorte Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance (ELFE), un projet majeur qui explore divers aspects de la vie des enfants sous les angles des sciences sociales, de la santé et de l’environnement. Les scientifiques ont analysé les habitudes alimentaires de 6662 enfants âgés de 3 mois à 5,5 ans, en évaluant notamment l’introduction des aliments complémentaires, la variété alimentaire ainsi que l’incorporation d’allergènes majeurs dans leur alimentation. Les parents ont également signalé les allergies (alimentaires, asthme, rhino-conjonctivite, etc.) à différentes étapes du suivi : 2 mois, 1 an, 2 ans, 3,5 ans et 5,5 ans.
L’importance de l’introduction précoce des allergènes alimentaires majeurs ressort clairement. Alors que les directives actuelles préconisent d’introduire des aliments solides et liquides entre 4 et 6 mois, les résultats de l’étude de l’INRAE confirment que le dépassement de cette fenêtre temporelle est associé à un risque accru de développement d’allergies alimentaires. Il est crucial de souligner que la diversité alimentaire pendant cette période critique joue également un rôle majeur dans la prévention des allergies.
De plus, les chercheurs ont identifié un lien entre le manque de variété dans l’alimentation des nourrissons et le risque accru de développer de l’asthme. Les résultats révèlent également qu’introduire moins de deux allergènes majeurs tels que les produits laitiers, les œufs, la viande et le poisson avant l’âge de 10 mois augmente considérablement les chances de souffrir de rhino-conjonctivites et d’allergies alimentaires graves. Notamment, un enfant sur dix n’a pas encore été exposé à au moins deux de ces allergènes à l’âge de 10 mois, augmentant ainsi le risque d’allergie alimentaire avant l’âge de 5,5 ans de manière significative.
Cette étude renforce la nécessité d’une diversification précoce de l’alimentation des nourrissons dès 4 mois pour prévenir le développement d’allergies alimentaires, d’asthme et de rhino-conjonctivites. Les chercheurs appellent à une mise à jour des recommandations de Santé publique France et des sociétés françaises de pédiatrie en matière de pratiques alimentaires précoces, à la lumière de leurs découvertes.
Comprendre les mécanismes des réactions allergiques
Lorsqu’une réaction allergique se produit, elle résulte de l’interaction avec un allergène. Cette réponse se caractérise par une réaction immunitaire excessive, dépassant les limites de ce qui est normalement requis. Les anticorps spécifiques impliqués dans les allergies, les immunoglobulines E (IgE), jouent un rôle central dans ce processus. Bien que liées aux allergies, ces IgE sont également impliquées dans les réactions asthmatiques et les infections parasitaires.
Lorsque les IgE entrent en contact avec un allergène, elles déclenchent une réaction inflammatoire, similaire à une réponse de défense contre un agent pathogène. Ces IgE se trouvent principalement au niveau des muqueuses, expliquant les symptômes typiques des allergies touchant le nez, les poumons, la gorge, les sinus, les oreilles, la muqueuse gastrique et la peau. L’intensité des symptômes allergiques est souvent liée à la force de la réaction inflammatoire induite.