Avec la progression de l’épidémie liée au coronavirus, un constat s’impose de plus en plus : le virus affecte et tue plus d’hommes que de femmes. Cela a été remarqué en Chine et c’est aussi le cas dans l’un des pays européens les plus frappés, l’Italie. 60% des cas de la maladie Covid-19 sont des hommes, ces derniers constituant près de 70% des patients décédés, selon l’Agence nationale de santé publique (document en italien). Cette distinction entre les sexes a également été observée lors de précédentes épidémies, comme celles du SRAS (responsable d’une épidémie en 2003), ainsi que du MERS (responsable, lui, des épidémies au Moyen-Orient et toujours actif).
En quoi consiste ce facteur ?
Selon Jean-Charles Guéry, qui dirige l’équipe de recherche Inserm « Différences immunitaires liées au sexe : mécanismes et physiopathologie » à Toulouse : » de nombreux éléments pourraient justifier ce préjugé sexiste. Certains sont liés au mode de vie. Par exemple, en Chine, les hommes fument plus que les femmes et ont également un taux plus élevé de diabète de type 2 et d’hypertension artérielle. D’autres facteurs seraient biologiques, les femmes présentant des réponses immunitaires plus fortes et de meilleure qualité que les hommes en réponse à des infections virales ou à des vaccins ». Les raisons de cette réponse immunitaire plus forte chez les femmes sont probablement multifactorielles, et impliquent des hormones sexuelles et probablement des facteurs génétiques portés par le chromosome X que les femmes possèdent en double et qui portent de nombreux gènes d’immunité. Les hormones sexuelles comme les œstrogènes chez la femme et les androgènes chez l’homme sont capables de réguler les cellules du système immunitaire.
Dans le cas du SRAS, un effet protecteur des œstrogènes
Les résultats expérimentaux sur des souris dans un modèle d’infection par le SRAS sont en faveur d’un effet positif des oestrogènes. « Il y a clairement un effet préventif de cette molécule, poursuit Jean-Charles Guéry. Lorsque des souris sont infectées par le SRAS, la mortalité des mâles est beaucoup plus élevée que celle des femelles. Lorsque les ovaires des femelles sont enlevés (et donc la source d’oestrogènes), ou lorsqu’elles sont traitées avec des médicaments qui bloquent le récepteur d’oestrogènes (comme ceux utilisés dans le traitement du cancer du sein), la mortalité atteint plus de 80% des hommes. On ignore actuellement s’il s’agit d’un effet direct sur le système immunitaire ou sur d’autres tissus. “
En est-il de même avec le coronavirus responsable de l’épidémie actuelle ?
A ce jour, seules les données épidémiologiques en Italie et en Chine semblent donc l’indiquer. » Il faudra davantage de recherche chez l’homme et l’animal pour mieux comprendre les mécanismes responsables de ce préjugé sexiste « , précise Jean-Charles Guéry. Mais il est clair que les hommes et les femmes ne sont pas égaux face aux agents pathogènes et à la réponse immunitaire de leurs organismes. Avec le vaccin contre le virus de la grippe, nous savons que les femmes développent une immunité efficace avec une dose de vaccin deux fois moins élevée que celle des hommes. Là encore, il semble que l’œstrogène et un gène porté par le chromosome X puissent contribuer à cette réponse immunitaire accrue. Ce phénomène s’estompe avec l’âge, car notre corps fabrique de moins en moins d’hormones sexuelles en vieillissant. Après la ménopause, la réponse au vaccin semble moins bonne, d’où, selon le chercheur, l’idée « que l’ajout d’œstrogènes ou d’une supplémentation connexe au futur vaccin contre le SRAS-Cov-2 pourrait le rendre beaucoup plus efficace. “
Source : Sciences et Avenir